C’est une fresque saisissante que Walter Scheidel déroule sous nos yeux : sur des milliers d’années et au sein des sociétés les plus diverses, il examine les épisodes de l’histoire humaine où la courbe croissante des inégalités économiques s’est inversée. Et nous découvrons, contre toute attente, qu’elles sont une caractéristique intrinsèque des civilisations avancées et que leur réduction est moins probable en période de paix et d’abondance qu’en période de déstabilisation et de chaos, où elles reculent souvent au prix de violences mortifères. Avant de renaître inéluctablement.
Dans cette plongée historique jusqu’au Néolithique, Walter Scheidel identifie quatre processus ou facteurs de liquidation des inégalités extrêmes et de progression de l’égalité – la guerre, la révolution, l’effondrement de l’État et la pandémie –, en se gardant de tout déterminisme.
L’auteur navigue à travers les âges, fait revivre les souffrances des temps jadis et reconstitue les inégalités à partir d’une connaissance encyclopédique des travaux existants et d’une compilation systématique des vestiges, des traces – tessons de céramique, plans de ville, surfaces habitables, âge au moment du décès, tailles de squelettes, obscures inscriptions ou antiques poèmes… Il restitue les liens de dépendance entre les hommes, ainsi que les lieux de pouvoir et d’accumulation. Il nous entraîne du Japon de Hiro Hito à l’Athènes de Périclès, des Mayas des plaines à l’actuelle Somalie, de la Chine impériale à la grande Babylone, de la République romaine à l’empire hittite, de la civilisation mycénienne à l’Égypte mamelouk, de l’URSS et de la Chine communistes aux États-Unis et aux principaux pays de l’Europe moderne et contemporaine. Partout, il ausculte la nature des drames et leur capacité à mobiliser, détruire et changer les hommes.
L’analyse de Scheidel éclaire ainsi d’un jour nouveau la persistance des inégalités et démontre, avec une efficacité magistrale, cette mécanique d’anéantissement et de renaissance dont le capitalisme mondial est le dernier avatar. Il nous rappelle l’urgence de répondre politiquement à une globalisation inégalitaire dont les fragilités accumulées pourraient entraîner un collapsus à l’échelle mondiale.
Historien de grand renom, Walter Scheidel enseigne à l’université Stanford, où il est titulaire de la chaire Dickason, professeur d’études classiques et d’histoire, et membre du département Kennedy-Grossman de biologie humaine. Il a écrit ou dirigé une vingtaine d’ouvrages, en particulier en histoire économique et sociale de la période prémoderne, en démographie et en histoire comparée. Sommité dans son domaine – l’histoire des civilisations antiques européennes –, Scheidel a inventé une nouvelle approche des mondes antiques, en utilisant des arguments socio-économiques généralement appliqués à notre temps pour éclairer notre passé lointain.
[26/04/2021]
La confiance perdue dans les institutions et dans la parole d’État a produit des mondes clos.
L’appartenance religieuse, culturelle et l’origine nationale constituent dès lors la seule information à connaître et le premier repère à identifier pour régler ses actions de défense ou d’agression.
Et également pour choisir ses alliances avec certaines cultures et certaines confessions qu’ont dit dominées.
Ce livre ambitionne d’intervenir aussi raisonnablement que possible dans le débat public sur ces enjeux, en maintenant à tout prix ce préalable fondamental : la condition première d’une possible liberté de penser est d’abord de ne pas croire en l’inaliénabilité de ses certitudes.
Smaïn Laacher est Professeur de sociologie à l’université de Strasbourg. Il a été, de 1998 à 2014, Juge assesseur représentant le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à la Cour nationale du droit d’asile (Paris). Il est actuellement Président du Conseil scientifique de la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH). Auteur de nombreux ouvrages, il vient de publier « Ça me pèse. Obésité et corps embarrassant » (éd. L’aube, 2021) et « La France et ses démons identitaires » (éd. Hermann, 2021).
1er mai". Ce dessin intervient dans un contexte d'accélération et d'organisation des luttes sociales. La CGT décide au congrès de Bourges (1904) de lancer une grande campagne de propagande en faveur de la journée de huit heures. Grandjouan, dont les sympathies anarchistes sont très marquées, prête son talent à cette cause. Un an avant la parution de ce numéro de L'Assiette au beurre, s'achève le « congrès du Globe » ou les tendances du socialisme français s'unissent dans la SFIO (1905). Le secrétaire général affirme que « le Parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n'est pas un parti de réforme, mais un parti de lutte de classes et de révolution ».
Cette œuvre du peintre et affichiste Jules Grandjouan dépasse le registre étroit du dessin satirique. Le trait et la couleur s'intègrent dans une composition originale et savante. Au premier plan, trois jeunes femmes nues tiennent une guirlande de fleurs dans laquelle se déchire la revendication des trois-huit. À l'arrière-plan, on devine la masse formée par une manifestation de travailleurs surmontée d'un arbre en fleurs. Le premier plan est une allégorie, dont la réalisation mêle la tradition antique des trois Parques qui déroulent le fil de la vie et des éléments iconiques propres au monde du travail. L'ouvrière-parque qui symbolise le travail tient dans sa main une pioche et porte une coiffe inspirée de celle des « caffues », ces ouvrières du Nord qui triaient le charbon.
Le visage marque une expression de colère résolue. La jeune fille du milieu est marquée par la jeunesse et l'insouciance propre au loisir ; celle de droite, les yeux baissés dans le repos, a la peau brune des femmes du peuple. À l'arrière-plan, d'une touche graphique discrète sont convoqués des instruments de travail et des fusils crosse en l'air. L'habileté artistique de Grandjouan est d'avoir subtilement fondu par une esthétique inspirée de l'Art nouveau les deux plans de la composition. La chevelure des loisirs se confond avec les manifestants. Une femme à droite tient un flambeau qui se transforme en branche fleurie. Le jeu des couleurs complémentaires renforce l'effet de fusion. Ce parti pris artistique est aussi idéologique ; en liant la lutte revendicative et le but à atteindre, le pain et les roses, Grandjouan, en habile propagandiste, ancre chez les prolétaires la grandeur de l'Idée.
Ce commentaire, reproquit par le site carricaturesetcarricature.com a été tiré (avec l'autorisation de l'auteur) de Quand le crayon attaque, "Images satiriques et opinion publique en France, 1814-1918, Michel Dixmier, Annie Duprat, Bruno Guignard, Bertrand Tillier, éd. Autrement, p. 157-158.
Lire l'article de Claude Robinot dans carricaturesetcarricature.com
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Bien connu des Marseillais, Red ! est un caricaturiste, dessinateur de bande dessinée et dessinateur de presse français, membre du collectif Cartooning for peace.
Collaborateur régulier au mensuel Le Ravi,
il y affirme ses convictions progressistes et écologiques et tient un blog régulier de ses dessins :
William Acker vient de publier un remarquable ouvrage "Où sont les "gens du voyage" ? - Inventaire critique des aires d’accueil" (éditions du commun).
Dans son étude, le juriste William Acker montre que les zones où vivent les Voyageurs sont les plus polluées. Il plaide pour une convergence entre leurs luttes et celles des écologistes.
William Acker est un juriste et a effectué un travail que les autorités publiques auraient dû faire depuis des années : recenser des lieux dits d’accueil, attribués par les collectivités aux « gens du voyage ». Et montrer qu’ils sont systématiquement parqués dans des environnements pollués. Son livre redonne aussi une voix à des personnes invisibilisées et maltraitées depuis des siècles.
Originaire d’une famille de Voyageurs, William Acker raconte son héritage familial à travers les lieux traversés, habités, subis. « Chaque visage s’associait à un lieu : des rues que de nous, des zones commerciales ou industrielles, des terrains inondables, des espaces de goudron et de grillages, des lieux réservés aux “gens du voyage” », écrit-il.
Sur les 1 358 aires d’accueil répertoriées en France destinées aux personnes vivant dans une habitation mobile, 51 % sont polluées.
Localisés à proximité de déchèteries, de stations d’épuration, d’usines ou encore de voies ferrées, ces espaces rendus obligatoires par une loi de 1990 pour les communes de plus de 5 000 habitants exposent leurs résidents à de lourdes nuisances environnementales et industrielles.
La moitié des départements compte au moins une aire à proximité d’un site Seveso. Il existe même une aire, à Saint-André-lez-Lille (Nord, ndlr), sous le viaduc du TGV.
Lire l'interview de William Acker sur le site de La Rotative.
Ici se trouvait une image photographie basse résolution de l'AFP. Malgré la mention du copyright, cette photographie a fait l'objet, le 12/7/2022, d'une réclamation de la société de Copyright Trolling PICSRIGHTS, souvent contestée et située à l'étranger, qui nous réclamait 1612 € (!) alors qu'elle n'est elle-même pas titulaire des droits d'auteur.
Nous avons donc retiré immédiatement cette photo. Après avoir pris un conseil juridique, le suivi a été transmis à un cabinet spécialisé d'avocats luttant contre ce genre de pratiques abusives qui cible hélas particulièrement les associations à but non lucratif...
Cette aire d'accueil située près de Rouen jouxte l'usine SEVESO Lubrizol ( photo Sameer Al-Doumy/AFP)
La Dette publique
Précis d'économie citoyenne
Les Économistes atterrés
2021
Un traité d’économie citoyenne qui tombe à pic. Après le choc de la crise économique enclenchée en 2020, l’explosion de la dette publique sera au coeur des débats de politique économique.
Les auteurs déconstruisent les idées reçues les plus tenaces sur ce sujet : la dette publique est un fardeau pour les générations futures ; la France vit au-dessus de ses moyens, etc. Ce faisant, ils produisent un petit manuel sur le budget de l’État, les modalités de son financement, les limites et les erreurs d’interprétation du ratio dette/PIB, la distinction entre bonne et mauvaise dette, la façon dont la dette publique enrichit les riches ou peut être utilisée comme un instrument de domination.
Ils explicitent aussi les moyens qui permettraient aux États d’affronter la récession en évitant le retour contreproductif des cures d’austérité : restructuration et monétisation de la dette, sortie de la dépendance aux marchés financiers et nouveau rôle de la Banque centrale, réforme fiscale redistributive et écologique, politique budgétaire au coeur de la transition écologique. Ces propositions, soumises au débat citoyen, entendent faire de la dette publique un instrument au service du bien commun.
Les auteurs :
Eric Berr (université de Bordeaux), Léo Charles (université Rennes 2), Arthur Jatteau (université de Lille), Jonathan Marie (université Sorbonne Paris Nord) et Alban Pellegris (université Rennes 2) sont membres des Économistes Atterrés.
Au moment où le gouvernement vient de supprimer l’Observatoire de la laïcité pour le remplacer par un "comité interministériel de la laïcité", qui ne sera plus indépendant et qu'il pourra modeler et orienter à sa guise en fonction d'intérêts politiques à courte vue, un livre intéressant vient de sortir. Patrick Weil, spécialiste de la laïcité, politilogue et directeur de recherches au CNRS vient de publier "De la laïcité en France" aux éditions Grasset. Voici une critique faite par Luc Cedelle dans le journal Le Monde du 5 juin 2021.
De la laïcité en France
Patrick Weil
éditions Grasset
2021
"Quelle que soit la violence de la bataille, finalement la victoire restera entre vos mains." La personne qui s’exprime ainsi, le 6 janvier 1907, est le pape Pie X, qui encourage les catholiques de « simplement, vaillamment et avec confiance » leur lutte engagée depuis un France à poursuivre plus d’un an contre la loi du 9 décembre 1905, relative à la séparation des Eglises et de l’Etat. En février 1906, le Saint-Père avait déjà, dans son encyclique bien nommée Vehementer Nos (« Nous fortement »), condamné cette « loi inique ». En matière de déclarations belliqueuses, il avait été précédé, un mois plus tôt, par Mgr Gouraud, évêque de Vannes : « Nous ne voulons pas la guerre, mais nous l’acceptons s’il le faut pour sauvegarder les droits de Dieu. »
Dans son livre De la laïcité en France, Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de ce sujet, rapporte – et surtout rappelle car il est quelque peu oublié – ce climat délétère, aux relents de guerre civile en gestation, qui a régné plusieurs années après la loi de 1905. La fin du cléricalisme, qu’il défonit comme « l’intrusion » d’une puissance religieuse dans les affaires de l’Etat pour lui « dicter sa conduite », a été tout sauf consensuelle. Les inventaires des biens des Eglises, prévus par la loi pour éviter leur disparition, sont alors considérés par certains fidèles comme un sacrilège et provoquent des affrontements physiques qui font deux morts, au début de 1906.
Mais les autorités politiques – Aristide Briand, l’auteur principal de la loi, ministre des cultes de mars 1906 à mars 1911, et Georges Clemenceau, ministre de l’intérieur, qui deviendra président du Conseil le25 octobre 1906 –, ne se laissent pas entraîner dans le piège qui leur est tendu. Dans une « stratégie d’évitement du conflit », ils alternent, avec patience et habileté, la fermeté et ce que certains appelleraient peut-être aujourd’hui « laxisme », car ils décident de « laisser passer » – selon leurs propres termes – des appels séditieux de la hiérarchie catholique qui se poursuivent encore en 1909. Leur idée directrice, explique Patrick Weil, est de parvenir à « l’inclusion dans la légalité de la masse des catholiques », assurés, aux termes mêmes de la loi, de pouvoir pratiquer leur culte en toute quiétude.
L’esprit même de la loi
Pour cela, des compromis, au fil des problèmes qui apparaissent, seront établis : sur les processions, sur les sonneries de cloche, sur le port en public de la soutane par les prêtres et de l’habit par les religieuses, etc. Cette recherche d’équilibre, chaque fois tranchée par les juges (et par un balancement de la jurisprudence entre le Conseil d’Etat pour les solutions les plus libérales et la Cour de cassation pour contrer les excès revendicatifs religieux) est certes inspirée par les politiques mais découle de l’esprit même de la loi.
Dans son rapport parlementaire, Artistide Briand avait en effet expliqué que « dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte application, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la volonté du législateur ». La loi de 1905, rappelle encore Patrick Weil, comme pour mieux souligner le contraste avec les empoignades politiques actuelles sur la laïcité, avait « donné lieu à deux ans d’examen approfondi d’un projet de loi par une commission de trente-trois membres élue à cet effet ». Son texte a été tellement « ciselé » que le Sénat l’a adopté sans aucun amendement.
Si l’ouvrage se penche en détail sur le cheminement et le contenu de cette loi, c’est évidemment pour mieux en venir à notre période de retour public de la religion, notamment autour de la présence de l’islam en France et du port du voile. Dans le débat français, Patrick Weil s’inscrit dans le courant qui considère que la laïcité « c’est d’abord du droit », et que les principes de la loi de 1905, « toujours actifs » sont aptes à régler pacifiquement les tensions actuelles.
Ses rédacteurs, explique-t-il, « n’ignoraient pas les dérives possibles de la religion ». Ils « avaient tout à fait prévu l’existence de pouvoirs religieux qui contesteraient les lois de la République ». Mais « ils avaient décidé de combattre avec des principes », et « leur stratégie a été couronnée de succès ». Ces principes, selon lui pleinement valides aujourd’hui, consistent notamment à assurer aux croyants le droit de montrer leur foi dans l’espace public sous réserve de l’ordre public et « à condition de n’exercer aucune pression ». Ils protègent le libre exercice du culte « contre tout désordre », mais permettent aussi de « punir sévèrement au moyen de la loi pénale les abus commis au nom de la religion ».
A cet égard, ce partisan de la loi du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux ostensibles dans le cadre scolaire, qu’il considère comme une protection, rappelle que l’article 31 de la loi de 1905 punit d’amende ou de prison « toute pression pour contraindre ou empêcher une personne à manifester une foi ». Contraindre ou empêcher ainsi soumis à la même interdiction : un principe qu’il voudrait à la fois voir mieux appliqué et mieux enseigné.
Luc Cedelle, Le Monde 5 juin 2021
Notre ami François Herbaux, en charge de la culture scientifique au Conseil Régional jusqu'en 2019 vient de publier un nouveau livre. Il y aborde la "zététique", cette science du doute qui accompagne la science tout en dénonçant le complotisme. Aujourd'hui, en cette époque envahie d'infox, il fait converger journalisme, science et philosophie dans la rédaction d'un ouvrage de vulgarisation sur la zététique antique ou, pour le dire autrement, sur les origines du scepticisme (l'art du doute) et de la pensée méthodique.
Antique Zététique
Aux origines de la philosophie du doute
François Herbaux
éd. Book-e-book
2021
Depuis son émergence dans la Grèce antique, la philosophie a toujours eu partie liée avec le doute : soit pour se libérer des dieux et des mythes afin d’édifier une conception naturelle du monde ; soit pour récuser la perception humaine afin d’atteindre une « vérité » surnaturelle ; soit pour se méfier à la fois des sens et de la raison jusqu’à renoncer pratiquement à tout espoir de connaissance. C’est dire si les partisans de la philosophie du doute, appelée aussi « sceptique » ou « zététique », n’ont pas tous été des promoteurs de la science, bien au contraire.
Aujourd’hui, la démarche « zététique », qui s’appuie sur les savoirs scientifiques et s’exprime à travers l’usage de l’esprit critique a-t-elle cependant quelque chose de commun avec la zététique antique ? Sans doute… Mais cela mérite examen.
Sous forme d’une souriante galerie de portraits de philosophes anciens, Antique Zététique entend illustrer simplement et de manière très accessible, la variété des pensées antiques à l’origine de la philosophie du doute.
François Herbaux est journaliste et écrivain spécialisé en vulgarisation scientifique. Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, il a d’abord exercé dans la presse régionale avant de s’orienter vers la promotion de la culture scientifique. Auteur, il s’est notamment intéressé à l’Antiquité et à la préhistoire avec Nos ancêtres du Midi, enquête sur la préhistoire, de Sigean à Menton (Éditions Jeanne Laffitte, 2005) ; Puisque la Terre est ronde, enquête sur l’incroyable aventure de Pythéas le Marseillais (Éditions Vuibert, 2008) et Une femme culte, enquête sur l’histoire et les légendes de Marie Madeleine (Éditions Gaussen 2020).
Au moment où un candidat particulèrement conservateur veut remplacer l'éducation nationale par l'instruction publique (terme abandonné en 1932...) il n'est pas inutile de lire ce livre de Laurence de Cock publié par la maison d'édition marseillaise AgonE.
Les mots ont du sens. Le débat existait déjà à la révolution. En 1792, Rabaut Saint-Étienne, député du Tiers Etat le résumait ainsi : « II faut distinguer l'instruction publique de l'éducation nationale. L'instruction publique éclaire et exerce l'esprit, l'éducation nationale doit former le cœur ». Tout était dit. Condorcet estimait lui, que l'éducation publique devait « se borner à l'instruction ». L'empire et la royauté se limitaient à l'instruction. La République parle d'éducation...
Laurence de Cock aborde, elle, une vision encore plus ambitieuse de l'éducation : l'émancipation sociale. A lire absolument...
JBx
Ecole publique et émancipation sociale
Laurence de Cock
éd. AgonE (Marseille)
2021
Jamais le démantèlement de l’école publique n’aura été aussi brutal que sous le mandat présidentiel d’Emmanuel Macron. De la maternelle à l’université, ce sont les enfants des catégories populaires qui en paient le prix fort. En face, la résistance est faible. Doit-on y voir la perte du sens de l’école publique ? Même si la démocratisation scolaire n’a jamais tenu toutes ses promesses, il ne faut pas pour autant en abandonner les ambitions, sans lesquelles aucune émancipation sociale n’est possible.
Après avoir dressé le tableau noir des conséquences des réformes éducatives récentes que la crise sanitaire n’a fait que révéler, ce livre revient sur les fondements historiques des principes d’une éducation nationale théorisée par les révolutionnaires français en 1793, principes généreux enrichis par certains pédagogues de l’éducation nouvelle et qui ont guidé chaque grand moment de démocratisation scolaire, de Jean Zay sous le Front populaire au plan Langevin-Wallon après la Libération.
Qu’en reste-t-il aujourd’hui et sur quelles bases refonder une école au service des masses ? Aux anciens défis, d’autres se sont ajoutés : les nuisances de l’idéologie néolibérale, la défiance grandissante à l’égard de la pensée rationnelle et critique autant que des pédagogies de transformation sociale.
Enseignante en lycée et chargée de cours en histoire et sociologie de l'éducation à l’Université de Paris, Laurence De Cock est notamment l’autrice d’École (Anamosa, 2019), Dans la classe de l’homme blanc. L’enseignement du fait colonial des années 1980 à nos jours (PUL, 2018) et de Sur l’enseignement de l’histoire. Débats, programmes et pratiques de la fin du XIXe siècle à nos jours (Libertalia, 2018) .
Aux éditions Agone, co-autrice de L'Histoire comme émancipation (avec Guillaume Mazeau et Mathilde Larrère, 2019) elle a codirigé les deux volumes de La Fabrique scolaire de l’histoire (2009, 2017) et Les Pédagogies critiques (2019) ; et elle fait paraître École publique et émancipation sociale en août 2021.
Entretien de Laurence de Cock dans la Midinale de Regards (30/08/2021)
En savoir plus sur les critiques de ce livre : lire ici
Les Lendemains chanteront-ils encore ?
Robert Guédiguian
éd. Les Liens qui Libèrent
2021
Le livre de Robert Guédiguian, Les Lendemains chanteront-ils encore ?, fait visiblement écho celui publié en 1947, Les Lendemains qui chantent, autobiographie posthume du député communiste et journaliste à l’Humanité Gabriel Péri, résistant fusillé par les Allemands en 1941. Ce livre, qui se veut un espoir, est construit autour d’un dialogue avec Christophe Kantcheff, rédacteur en chef adjoint de Politis et également auteur de Guédiguian (Éd L’Atelier), en 2018.
Un espoir sans certitude, certes, mais l'espoir ne s'appuie-t-il pas d'abord sur un certain réalisme ? Robert Guédiguian développe sa vision du monde, sa critique du capitalisme et sa conception de l’être humain, sa recherche de "faire du commun". Il s'appuie, souvent avec humour, sur les grands textes de la littérature et les sciences humaines. Guédiguian parle marxisme, féminisme, racisme, communautarisme, lutte des classes, partage du travail, … Un vrai recadrage pour une gauche qu'il estime aujourd'hui à la dérive. Ressuscitons l'inventivité du commun, nous suggère-t-il, sans masque, sans fausses apparences. A lire absolument.
Pythéas de Carnoux
Robert Guédiguian, réalisateur de cinéma, producteur et scénariste marseillais a été récompensé par le prix Louis-Delluc pour son film Marius et Jeannette, sélectionné au festival de Cannes 1997 dans la section un certain regard. Il est l'auteur d'une vingtaine de films.
Criminels climatiques
enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète
Mickaël Correia
éd. La Découverte
2022
Cent entreprises sont responsables de 70 % des émissions globales de gaz à effet de serre. Et parmi elles, Aramco, Gazprom et China Energy sont les trois premières multinationales qui régurgitent le plus de CO2 au monde. Inconnues du grand public, elles sont les championnes internationales du pétrole, du gaz et du charbon. Si ce trio était un pays, il incarnerait la troisième nation la plus émettrice, juste derrière la Chine et les États-Unis.
Cette enquête inédite révèle comment ces trois géants industriels déploient tout un arsenal de stratégies redoutables – corruption, néocolonialisme, lobbying, greenwashing, soft power, etc. – pour perpétuer notre addiction au carbone. En continuant coûte que coûte à extraire les ressources des entrailles de la Terre, ils attisent sciemment les flammes qui brûlent notre planète et agissent en criminels climatiques.
Des clubs privés de New York aux couloirs de l’Élysée, des banques de Pékin aux palaces de Riyad, l’auteur dévoile les cercles de pouvoir au coeur de ce capitalisme fossile et la manière dont ces firmes élaborent dans l’ombre une véritable bombe climatique, mettant en péril toute l’humanité.
Alors que la nécessité d’adopter des comportements individuels écoresponsables est sans cesse martelée, ce livre désigne les réels responsables du chaos climatique et montre qu’il est urgent de les mettre définitivement hors d’état de nuire.