22/05/2021
corrigé le 23/05 à 16h10
Depuis l'antiquité, la notion de délibération est pourtant étroitement liée à un espace de discussion et à l'expression de chacun. Nous dirions aujourd'hui que son moteur est l'intelligence collective. Notre conseil municipal est éclairé et intelligent, nous n'en doutons pas. Mais il ne participe pas aux délibérations.
Le Maire, seul dans son couloir
La raison de cette modestie apparente est à rechercher dans le mode de fonctionnement même du conseil. Le Maire rapporte absolument sur tout, sur tous les dossiers. C'est une spécificité carnussienne ! Ce n'est évidemment pas le cas ailleurs, ni à Cassis, ni à Roquefort-la Bédoule, ni à Aubagne, ni à La Ciotat, ni à La Bouilladisse (cliquer sur chaque ville pour lire un exemple).
La pratique altière de présenter personnellement tous les rapports déresponsabilise grandement les conseillers de la majorité. D'une part, il est absolument anormal qu'un adjoint au sport ne rapporte pas sur une délibération sportive, un adjoint à la culture sur une délibération culturelle, un adjoint aux finances sur un rapport financier. Le rôle de rapporteur amène un travail motivant qui implique le conseiller qui doit maîtriser dans les détails le sujet, anticiper les questions de l'opposition et qui, in fine, améliore le processus même de délibération. Le monopole de la présentation des rapports par le seul Maire est sur cet aspect contreproductif, voire infantilisant. A Carnoux, par exemple, la conseillère municipale aux finances ou le conseiller municipal au budget, que nous respectons, n'ont jamais pris la parole sur le sujet en conseil municipal. Ils ne sont d'ailleurs pas adjoints. Il n'y a pas d'adjoint aux finances à Carnoux, ce qui est encore une particularité unique dans une commune de cette taille.
Une omniprésence parfois illégale
Cette omniprésence du Maire dans le déroulé des séances du conseil municipal va même, et nous l'avions fait remarquer lors de la dernière séance, jusqu'à contourner les obligations réglementaires. La Loi impose, par exemple, que le conseil municipal ne peut se réunir sur le point du "compte administratif" sous la présidence du maire, car celui-ci ne peut être juge et partie. Il ne peut d'ailleurs voter. Dans toutes les communes, le Maire propose donc alors un président de séance qui est bien souvent le premier adjoint. C'est ce dernier qui mène alors réglementairement les débats. Pas à Carnoux, où celui-ci ne fait que constater le vote final.
Des "notes" plutôt que des "projets de délibération", des questions plutôt que des avis
La façon d'appréhender les débats sur les délibérations présentées est également instructive. D'abord, à Carnoux, le Maire ne présente pas des délibérations, ni des rapports, mais des notes. Selon la Loi, pourtant, le conseil municipal délibère, mais ce mot est toujours absent des documents municipaux. Ensuite, la façon même dont le débat est introduit est significatif. Après son exposé, le Maire demande "s'il y a des questions", plaçant d'emblée le conseil municipal dans un rôle subordonné. Bien sûr, il peut y avoir des questions, mais il y a aussi des avis, et ce sont eux qui constituent la vraie richesse. Le Maire n'est qu'un conseiller municipal exécutif et il doit faire en sorte que la discussion s'instaure le plus largement possible au sein du conseil municipal. Pas seulement entre lui et l'opposition. Et pas seulement sans le rapport d'un maître à ses élèves. Dans le cas contraire, le conseil municipal ne peut jouer que le rôle d'une chambre d'enregistrement. C'est le cas dans notre commune.
Un débat apparent, trop souvent formel et inefficace
Dans ces conditions, il nous est très difficile, en tant que conseillers municipaux, de faire évoluer les choses vers une meilleure efficacité de l'assemblée communale. Les propositions, les suggestions que nous exposons, reçoivent trop souvent d'emblée une réponse sceptique, voire ironique, du Maire, ce qui réduit mallheureusement la discussion à un dialogue infructueux. Certes, le Maire prend le temps de nous répondre, et nous en sommes honorés, mais sur aucune de nos propositions nous n'avons pu connaître l'opinion de nos collègues. Leur expression n'a pas été sollicitée. En fait l'opposition est juste tolérée. Elle n'est jamais entendue. Ses interventions n'entrainent qu'un débat limité et formel, inefficace et sans issue. En dehors des séances du conseil municipal, il n'y a rigoureusement aucun échange entre la majorité exécutive et les conseillers d'opposition.
Les commissions municipales, qui pourraient être un lieu intéressant d'échanges, se limitent à l'enregistrement des délibérations et au vote de l'opportunité de les présenter en séance plénière. Elles ne durent jamais plus de 15 minutes. Elles sont une caricature du travail municipal.
Dans une réunion, la démocratie c'est l'expression de tous et non l'omniprésence d'un seul... (photo Sud Ouest)
Le conseil municipal ne peut réduire son rôle à celui d'une chambre d'enregistrement
Notre Maire, qui siège depuis longtemps dans les instances métropolitaines n'ignore certainement rien des exigences du débat et de la prise de décision d'une instance élue. Bien sûr, la Métropole n'est pas toujours un lieu de démocratie exemplaire, hélas. Mais la dominance excessive d'un Maire n'est pas non plus la démocratie, du moins celle qui tire pleinement profit, pour la commune, de la diversité et de la spontanéité que peuvent apporter la discussion de l'ensemble des membres d'un conseil municipal élu.
Nous proposons :
Jacques Boulesteix et Cristele Chevalier
élus de l'opposition au conseil municipal
22/05/2021
* le texte en a été publié dans notre compte-rendu du conseil municipal du 8 avril
18/12/2019
En décembre 2019, peu avant les élections municipales, la Gazette des Communes, qui est un média très respecté au service des communes, exhortait les futurs Maires à développer de bonnes pratiques de démocratie communale. Nous reproduisons ci-dessous quelques extraits de cet article consultable ici.
Pour les citoyens, le conseil municipal représente le cœur de la démocratie représentative dans leur commune. Pourtant, son fonctionnement est opaque pour nombre d’entre eux, qui le perçoivent de plus en plus comme une chambre d’enregistrement de délibérations préparées en amont. Quant aux élus des minorités, ils sont souvent réduits au rôle de simples observateurs.
Réenchanter l’idéal démocratique nécessite de rendre le conseil municipal plus transparent, plus participatif et plus collaboratif. Si son fonctionnement est très encadré par la loi, il existe une marge de manœuvre entre la règle et son interprétation pratique. De nombreuses initiatives peuvent s’y articuler pour nourrir, faire connaître et interroger le travail des élus.
Faire du conseil municipal un lieu de délibération
Refonder la démocratie locale commence par rendre pleinement au conseil municipal sa fonction délibérative : il ne s’agit pas seulement de voter des “délibérations” au sens administratif, mais de faire dialoguer l’ensemble des élus (majorité et minorités) pour mieux dépasser les contradictions et construire collectivement des solutions d’intérêt général.
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