08/07/2021
C'est l'histoire d'un village tranquille situé dans le département du Puy-de-Dome, Saint-Priest-Bramefant.
Ses habitants sont appelés, dit-on, les San-Priots et les San-Priotes. La commune est située à une altitude d'environ 300 mètres, un peu plus, mais à peu près comme Carnoux. Est-ce le seul point commun des deux villes ? Non. Car comme bien d'autres communes en France, Saint-Priest-Bramefant a connu, en 2017 une flambée du vote d'extrême droite aux élections présidentielles. Oh, bien modeste par rapport à Carnoux (52 %), mais 39 % quand-même, dans cette ville d'un peu moins de 1000 habitants qui ne connait ni réfugiés, ni insécurité majeure…
Le maire Eric Gold s'en est ému et a pensé qu'il était de son devoir de s'adresser à ses concitoyens. Il leur a donc écrit une lettre. Interrogé par France-Info, il précise : "Le but était de faire une lettre sur : 'c'est quoi le rôle de l'élu et c'est quoi le vivre ensemble'. Donc ce n'était pas du tout une lettre anti-FN. L'idée était de montrer aux gens que localement, il y avait une contradiction entre ce qu'ils vivaient au jour le jour et le vote FN. D'ailleurs, après ma lettre, j'ai été obligé de demander aux gendarmes quelles étaient les trois ou quatre faits divers importants et il a fallu remonter à deux ans. Globalement, il ne se passe rien ici. Franchement, un vote FN pour vouloir changer le monde... au contraire, il ne faut pas que le monde change ici. J'ai voulu montrer aussi que tous les gens qui se plaignaient et qui étaient frustrés étaient aussi quelquefois les premiers bénéficiaires du système", ajoute l'élu.
Le Maire de Saint-Priest précise aussi sa vision de sa citoyenneté de responsable municipal : "Le rôle de l'élu c'est aussi de tirer les gens vers le haut, d'amener les gens à réfléchir, on n'est pas là pour faire plaisir. Je pense que le rôle de l'élu n'est pas simplement de boucher des nids de poules sur les routes, il y a aussi ce rôle de pédagogie à avoir", justifie-t-il.
Visiblement, son action a été efficace. Lors des dernières élections régionales, le vote d'extrême droite est retombé à … 11 % dans sa ville.
Au-delà de l'attitude des maires, la comparaison avec Carnoux s'arrête là.
Le Canard Enchaîné (10 mai 2017)
13/07/2021
Extrait de "Entre peur et raison, la métropole Aix-Marseille-Provence" (éditions de l'Aube, 2015)
Les journalistes commentateurs se sont largement interrogés sur l'abstention lors des dernières élections locales. L'une des pistes de la désaffection des électeurs est la complexité, l'enchevêtrement des compétences des institutions locales qui amènerait une incompréhension des mécanismes décisionnels et des enjeux politiques.
Il faut dire que la coexistence ces communes, territoires, métropoles, départements, préfectures, régions, déroute celui qui voudrait s'y intéresser. Tous ont des compétences qui empiètent les unes sur les autres. Tous ont des modes complexes et différents d'élection. Tous ont les mêmes acteurs qui cumulent les responsabilités à différents niveaux.
Dans un livre publié en 2015, un "étranger de passage" fictif avait donné sa perception de cette jungle administrativo-politique locale. Nous reprenons ici ce texte. Qu'est-ce qui a changé en 6 ans ? Allez, on vous aide un peu : le seul changement est sur la photo ci-contre et c'est déjà beaucoup face à l'inertie locale...
JBx
22/07/2021
Un entrefilet du journal La Provence du 21 juillet nous apprend que des « gens du voyage » se sont installés sur le stade de Carnoux pour une dizaine de jours. Pourquoi ces personnes se sont-elles installées sur ce terrain municipal ? La réglementation qui impose l'aménagement d'aires à cet effet est-elle respectée ? C'est effectivement bien là le problème...
La métropole Aix-Marseille-Provence est en fait la métropole française la plus en retard dans la construction d’aires d’accueil pour les gens du voyage. La loi Besson de 2000 rend pourtant obligatoire des dispositifs d’accueil dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants. Carnoux est donc concernée depuis 21 ans.
Pas plus que dans les communes avoisinantes, la Loi n’est respectée. Elle ne l’est pas plus aujourd’hui par la Métropole qui, suite à la Loi NOTRe de 2015 s’est vue transférer depuis le 1er janvier 2017 l’aménagement et la gestion des aires des gens du voyage. Les communes, puis la Métropole, sont donc dans l’illégalité depuis... l’année 2000.
La Métropole a d’ailleurs été sommée, en septembre 2019, par la Cour administrative d’appel de se mettre enfin en conformité avec la loi. Pour l’instant rien n’a avancé. Comme le rappelle le Cercle Progressiste Carnussien, « Sur l’ensemble de son territoire, la Métropole se vante de disposer désormais de 8 aires d’accueil totalisant 308 places, alors que le schéma départemental en prévoit 28 pour un total de 898 emplacements permanents, et ceci sans compter les trois terrains de grand passage toujours en attente. Un taux d’avancement ridiculement bas à l’échelle nationale où la moyenne s’établit plutôt autour de 77 % des objectifs fixés. ». Et comme le rappelle le journal La Provence du 21 juillet, « la Métropole, elle, avance posséder huit aires en fonction et mettre en œuvre cinq projets identifiés - dont un à La Ciotat. Et doit trouver encore sept lieux pour implanter de nouvelles aires. ». D’ici 20 ans ?
Les gens du voyage installés sur le stade de Carnoux-en-Provence le 22/07/2021 (photo F.G.)
Extrait de l'excellent article publié par le Cercle Progressiste Carnussien le 12 juillet 2021
Pour une fois, le territoire de l’Est marseillais était plutôt en pointe puisque, en 2011, l’objectif de création d’une aire d’accueil de 50 places, destinée à satisfaire les obligations légales des communes de La Ciotat, Cassis, Carnoux et Roquefort-La Bédoule, paraissait plutôt bien engagé avec un projet déjà validé et bénéficiant d’un financement conséquent de la part de l’État.
Le seul petit problème est que, 10 ans plus tard, les choses en sont toujours exactement au même point et que la ville de Carnoux, comme la Métropole à qui elle a désormais délégué cette compétence, n’a toujours pas la moindre place d’accueil à offrir aux gens du voyage, en infraction totale avec ses obligations légales datant pourtant du 5 juillet 2000 !
Vue aérienne de l’emplacement de la future aire d’accueil des gens du voyage de La Ciotat, admirablement située entre l’autoroute, la départementale et la voie ferrée, dans une ancienne carrière abandonnée, alors que l’on annonçait son ouverture imminente, à l’automne 2014 (photo© Richard Lopez / La Provence)
Pour une fois, le territoire de l’Est marseillais était plutôt en pointe puisque, en 2011, l’objectif de création d’une aire d’accueil de 50 places, destinée à satisfaire les obligations légales des communes de La Ciotat, Cassis, Carnoux et Roquefort-La Bédoule, paraissait plutôt bien engagé avec un projet déjà validé et bénéficiant d’un financement conséquent de la part de l’État.
Le seul petit problème est que, 10 ans plus tard, les choses en sont toujours exactement au même point et que la ville de Carnoux, comme la Métropole à qui elle a désormais délégué cette compétence, n’a toujours pas la moindre place d’accueil à offrir aux gens du voyage, en infraction totale avec ses obligations légales datant pourtant du 5 juillet 2000 !
Vue aérienne de l’emplacement de la future aire d’accueil des gens du voyage de La Ciotat, admirablement située entre l’autoroute, la départementale et la voie ferrée, dans une ancienne carrière abandonnée, alors que l’on annonçait son ouverture imminente, à l’automne 2014 (photo© Richard Lopez / La Provence)
Le projet en question, qui avait été identifié dès 2002 dans le sillage du premier plan départemental, se situe au vallon de la Forge, dans un lieu encore plus pittoresque que celui de Saint-Menet, au cœur d’une ancienne carrière à ciel ouvert, un temps transformée en une casse automobile. Mal fermé par un antique portail rouillé en bordure de la route départementale 559 qui relie Cassis à La Ciotat, juste au dessus de la voie ferrée et en contrebas immédiat de l’autoroute et du péage de La Ciotat, le site est perdu en pleine nature, loin de toute habitation et largement exposé au risque de feu de forêt mais aussi aux éboulements rocheux des anciens fronts de taille.
C’est d’ailleurs ce dernier point qui sert de prétexte aux élus locaux pour faire traîner en longueur ce projet, enkysté dans les cartons depuis maintenant 20 ans. Pas question bien évidemment d’installer des habitations, même mobiles et temporaires, dans un tel lieu sans avoir procédé à un minimum de travaux de mise en sécurité des front rocheux qui l’entourent et sans s’être assuré que la pollution des sols, fruit d’une activité industrielle jamais contrôlée, n’est pas incompatible avec une telle reconversion. Un contexte idéal pour relancer à intervalles régulier et quand la pression se fait trop forte, quelques études sporadiques qui s’accumulent et permettent de gagner du temps…
Il faut dire que, du côté de l’Association nationale des gens du voyages citoyens, qui s’épuise à faire avancer le dossier depuis des années, l’emplacement retenu ne déclenche pas l’enthousiasme. Perdu dans un lieu éminemment hostile et bruyant, à 6 km de toute commodité et sans aucun transport en commun, on ne peut pas dire en effet que ce soit un site idéal pour favoriser la scolarisation des enfants et l’insertion professionnelle des parents…
Mais la Métropole qui est maître d’ouvrage de ce projet encalminé depuis des années et qu’elle vient seulement de ressortir des placards en 2019, met en avant la proximité avec les voies de circulation, idéal en effet pour des gens du voyage ! Emplacement réservé depuis 2006, il a fallu attendre 2012 pour qu’une convention soit signée entre les communes concernées et la SOLEAM afin de commencer à étudier la faisabilité du projet. Ce qui a permis de montrer que sa mise en œuvre exigeait de défricher 7 ha d’espace boisés classés avec leur lot d’espèces végétales à préserver, de quoi remiser dans les cartons le dossier jugé trop complexe et trop coûteux.
Si le sujet est brusquement revenu sur la table en septembre 2019, c’est simplement que la Métropole Aix-Marseille-Provence a été sommée par la Cour administrative d’appel de se mettre enfin en conformité avec la loi et d’ouvrir au moins certaines des aires d’accueil prévues depuis des années mais jamais réalisées. Sur l’ensemble de son territoire, la Métropole se vante de disposer désormais de 8 aires d’accueil totalisant 308 places, alors que le schéma départemental en prévoit 28 pour un total de 898 emplacements permanents, et ceci sans compter les trois terrains de grand passage toujours en attente. Un taux d’avancement ridiculement bas à l’échelle nationale où la moyenne s’établit plutôt autour de 77 % des objectifs fixés.
Dans un tel contexte et comme pour le logement social, les maires préfèrent se mettre délibérément hors la loi en ne respectant pas leurs obligations légales, quitte à employer la force publique pour chasser manu militari les gens du voyage lorsqu’ils font escale là où ils peuvent, faute d’aires d’accueil adaptées. Un bel exemple de délinquance en col blanc ?
Le site bucolique choisi pour la future aire d’accueil des gens du voyage à La Ciotat (source© Marsactu)
Le Président de la République est donc venu à Marseille pour réaffirmer que l'Etat apportera toute son aide à la seconde ville de France et à son aire métropolitaine. C'est un élément majeur. En leur temps les premiers ministres Jean-Marc Ayrault (2013), puis Manuel Valls (2015 et 2016) avaient déjà promis quelques milliards qui se font toujours attendre. Cette fois-ci, c'est le Chef de l'Etat en personne qui a annoncé des investissements "massifs" de l'Etat pour un territoire qu'il considère en situation d'urgence "sécuritaire, sociale et sanitaire".
Des urgences trop longtemps occultées
Ces trois urgences sont évidentes. Le scandale de la catastrophe de la rue d'Aubagne, la mise au grand jour du délabrement inouï des écoles et la ghettoïsation insécuritaire d'un tiers toujours plus appauvri de la ville, ont visiblement changé la donne. Pendant 20 ans, les responsables politiques locaux avaient préféré "mettre la poussière sous le tapis" et repousser les problèmes. Et pas que les responsables municipaux ! Rappelons-nous du saugrenu projet de "pont transbordeur" enjambant le Vieux Port, soutenu par le Président de la Région à la veille des dernières élections municipales.
Moins de Métropole, c'est aussi moins d'activité économique, moins d'emplois et plus de pauvreté
Car, à l'incurie de la gestion municipale des deux dernières décennies, s'ajoutent les incohérences des financements des autres collectivités, soit pour des raisons politiques soit pour des raisons structurelles. L'Etat a également joué à l'autruche, alors qu'il aurait pu, depuis longtemps, initier une stratégie à l'échelle de l'aire métropolitaine. Toutes ces années, chacun a voulu, en quelque sorte, tirer profit de la faiblesse des autres. Durant 50 ans, nous n'avons élaboré aucun projet à l'échelle métropolitaine. Et pour cause ! Si certaines communautés urbaines ont été constituées dès la fin des années 1960, Marseille a été la dernière grande ville française à voir son aire métropolitaine politiquement structurée, en 2016. Et encore, largement avec l'opposition d'une majorité de communes… Cela nous a coûté cher. Lyon a 50 ans d'expérience métropolitaine. Sa métropole a fusionné avec une partie du département du Rhône dès 2015. Corrigée du nombre d'habitant, la région lyonnaise affiche une activité économique 20 % plus importante et presque 100 000 emplois de plus que dans la métropole marseillaise. Le taux de pauvreté est de 18,6 % pour la métropole marseillaise, contre 16,1 % pour celle de Lyon.
La nécessité d'une réforme législative
Reconnaissons au Président de la République d'avoir analysé que, sans l'effort de l'Etat, et sans doute sans son autorité, il n'y aura pas de rétablissement. Il a été également clair sur un point : la métropole est inefficace et "a du mal à porter des projets d'intérêt commun". C'est le point central. Dans un style très direct, il a insisté sur la nécessité de régler "les problèmes d'organisation et de gouvernance". "Sinon, je mets plus d'essence dans un système qui continue à garder les mêmes freins. C'est non." … "Il faudra peut-être modifier la loi et moderniser à un rythme forcé. Sinon ça ne marchera pas."
Le constat d'une métropole d'abord "tribale"
Reste à voir si le chef de l'Etat se donnera les moyens politiques de faire évoluer la législation afin de donner enfin un véritable sens à la métropole. Aujourd’hui, celle-ci se réduit à une "métropole des maires" paralysée par un localisme politique suranné. Ceux-ci l'ont compliquée à l'extrême, par exemple en exigeant la création, unique en France, de six Conseils de Territoire, strate artificielle, coûteuse et totalement inutile, où néanmoins, les présidents et vice-présidents sont confortablement indemnisés. Ils l'ont vidée de toute logique globale : lors des transferts des équipements communaux en 2017, par exemple, de petits équipements locaux, qui ne sont pas à l’évidence de nature métropolitaine, ont été transférés à la métropole alors que ceux qui le sont à l’évidence ne l’ont pas été. De même, des transferts de financements d'équipements locaux, votés en urgence par les municipalités quelques mois avant la mise en place de la métropole, ont durablement hypothéqué les nouveaux projets d'intérêt général, notamment en matière de transports.
Passée la période d'opposition stérile et les multiples recours administratifs, la plupart des maires tirent en fait aujourd'hui un large bénéfice de cette métropole redistributive qui privilégie l'intérêt municipal plutôt que l'intérêt métropolitain. Les maires sont donc pour le statu quo et réticents à tout rééquilibrage territorial. Certes, tant bien que mal, mais avec grande lenteur, le conseil métropolitain a pu élaborer les grands schémas dont il a la compétence exclusive, mais peu ont encore été approuvés. Mais les plans ne suffisent pas.
Le mélange des élections a également favorisé cette situation malsaine en entraînant une absence de débat métropolitain lors des dernières élections municipales. Ce scrutin particulier fait souvent des maires les seuls conseillers métropolitains de leur commune. Il ne leur impose aucun bilan ou discussion en conseil municipal. Quelque part, cela réduit la métropole à une institution "tribale", territoriale ou politique, souvent les deux, avec ses alliances et ses guerres, ses souverains et ses vassaux, que les politologues dissèquent avec une patience d'ethnologues.
Faire entrer la métropole dans l'espace démocratique
La Métropole ne réussira que si elle constitue une collectivité de plein exercice, avec une élection au suffrage direct indépendante. Il y a nécessité à de véritables débats démocratiques autour de programmes politiques et de listes de candidats à son échelle. La situation actuelle, dans laquelle les seules listes sont communales n'a aucun sens. Elle morcèle la métropole et éloigne les citoyens de la démocratie à l'échelle métropolitaine, alors que celle-ci constitue aujourd'hui leur véritable aire sociale, culturelle et économique d'emploi, d'activités, de loisirs, de commerces, d'études et d'habitat.
La Métropole, c'est d'abord l'affaire des citoyens. Elle ne pourra se développer qu'avec eux et pour eux. Cet espace de vie commun ne peut supporter plus de disparités sociales et territoriales. La Métropole doit être d'abord un espace de solidarités pour être un espace de développement. Il est illusoire de penser que cela ne se fera pas sans une nouvelle légitimité, celle de la démocratie, et donc d'un changement dans le mode d'élection. La concrétisation des promesses présidentielles ne se fera qu'à ce prix.
Jacques Boulesteix
03/09/2021